Bail réel solidaire : avantages et inconvénients

Le bail réel solidaire (BRS) représente une innovation majeure dans le paysage immobilier français. Ce dispositif, conçu pour faciliter l'accession à la propriété des ménages modestes, suscite un intérêt croissant. En dissociant le foncier du bâti, le BRS ouvre de nouvelles perspectives pour devenir propriétaire, notamment dans les zones tendues où les prix de l'immobilier sont souvent prohibitifs. Mais comme toute solution novatrice, le BRS comporte ses propres subtilités et défis. Examinons en détail le fonctionnement, les avantages et les limites de ce mécanisme qui redéfinit les contours de l'accession sociale à la propriété.

Fonctionnement du bail réel solidaire (BRS)

Le bail réel solidaire repose sur un principe simple mais ingénieux : la séparation entre la propriété du terrain et celle du logement. Dans ce schéma, un Organisme de Foncier Solidaire (OFS) conserve la propriété du terrain, tandis que l'acquéreur devient propriétaire des murs. Cette dissociation permet de réduire significativement le coût d'acquisition pour les ménages, puisqu'ils n'ont pas à supporter le prix du foncier, souvent très élevé dans les zones urbaines dynamiques.

Concrètement, l'acquéreur en BRS achète les droits réels sur le bâti pour une durée longue, généralement entre 18 et 99 ans. En contrepartie de l'occupation du terrain, il verse une redevance mensuelle à l'OFS. Cette redevance, généralement modique, vient s'ajouter aux mensualités de remboursement du prêt immobilier contracté pour l'achat du logement.

L'un des aspects les plus novateurs du BRS est son caractère rechargeable . À chaque revente ou transmission du bien, le bail est reconduit pour sa durée initiale, garantissant ainsi la pérennité du dispositif et la stabilité pour les occupants successifs.

Cadre juridique et réglementaire du BRS

Loi ALUR et ordonnance du 20 juillet 2016

Le bail réel solidaire trouve son origine dans la loi ALUR (Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) de 2014, qui a posé les bases de ce nouveau type de bail. Cependant, c'est l'ordonnance du 20 juillet 2016 qui a véritablement défini le cadre juridique du BRS, en précisant ses modalités de fonctionnement et les droits et obligations des parties prenantes.

Cette ordonnance a notamment introduit le BRS dans le Code de la construction et de l'habitation, lui donnant ainsi une assise légale solide. Elle a également fixé les conditions dans lesquelles les OFS peuvent être agréés et opérer, garantissant ainsi le sérieux et la fiabilité du dispositif.

Rôle des organismes de foncier solidaire (OFS)

Les Organismes de Foncier Solidaire jouent un rôle central dans le mécanisme du BRS. Ces structures à but non lucratif, agréées par l'État, ont pour mission d'acquérir et de gérer des terrains en vue de réaliser des logements accessibles. Leur statut particulier leur permet de conserver la propriété du foncier sur le long terme, assurant ainsi la pérennité du caractère social des logements produits.

Les OFS sont responsables de plusieurs aspects clés du BRS :

  • L'acquisition et la gestion des terrains
  • La sélection des ménages éligibles au dispositif
  • La fixation et la perception des redevances
  • Le contrôle du respect des conditions d'occupation et de revente des logements
  • L'accompagnement des acquéreurs tout au long de leur parcours résidentiel

Conditions d'éligibilité des ménages

Pour bénéficier d'un logement en BRS, les ménages doivent répondre à certains critères, notamment en termes de ressources. Les plafonds de revenus sont généralement alignés sur ceux du Prêt Social Location-Accession (PSLA), ce qui permet de cibler les ménages aux revenus modestes ou intermédiaires.

Ces plafonds varient selon la zone géographique et la composition du ménage. Par exemple, en 2023, pour un couple avec deux enfants en zone A, le revenu fiscal de référence ne doit pas dépasser 60 788 euros. Il est important de noter que ces plafonds sont régulièrement actualisés pour tenir compte de l'évolution du coût de la vie.

Outre les conditions de ressources, les candidats au BRS doivent généralement s'engager à occuper le logement à titre de résidence principale. Cette obligation vise à garantir que le dispositif bénéficie effectivement à ceux qui en ont le plus besoin pour se loger.

Durée et renouvellement du bail

La durée du bail réel solidaire est un élément clé de son attractivité. Fixée entre 18 et 99 ans, cette longue période offre une sécurité importante aux acquéreurs. Mais la véritable innovation réside dans le mécanisme de rechargement du bail.

À chaque mutation (vente ou succession), le bail est automatiquement reconduit pour sa durée initiale. Ainsi, un bail de 99 ans signé en 2023 qui serait cédé en 2050 serait renouvelé pour 99 ans à partir de 2050. Ce système garantit que le caractère abordable du logement est maintenu sur plusieurs générations, tout en offrant une sécurité juridique aux occupants successifs.

Le rechargement du bail à chaque mutation est une innovation majeure qui assure la pérennité du dispositif BRS et sécurise l'accession à la propriété sur le long terme.

Avantages économiques pour les accédants

Réduction du coût d'acquisition

L'avantage le plus évident du BRS pour les accédants est la réduction significative du coût d'acquisition du logement. En n'ayant pas à acheter le terrain, les ménages peuvent accéder à la propriété pour un prix nettement inférieur à celui du marché libre. Cette économie peut représenter entre 20% et 40% du prix total, selon les zones géographiques.

Cette réduction du coût d'acquisition a plusieurs implications positives :

  • Un apport personnel moins important nécessaire
  • Des mensualités de remboursement plus faibles
  • La possibilité d'accéder à un logement plus grand ou mieux situé
  • Une diminution du risque de surendettement

TVA à taux réduit de 5,5%

Un autre avantage économique significatif du BRS est l'application d'une TVA à taux réduit de 5,5% sur l'acquisition du logement neuf, au lieu du taux normal de 20%. Cette réduction de la TVA représente une économie supplémentaire non négligeable pour les acquéreurs.

Par exemple, pour un logement d'une valeur de 200 000 euros hors taxes, la TVA à 5,5% représente 11 000 euros, contre 40 000 euros au taux normal. L'économie réalisée, de 29 000 euros, peut permettre de financer une partie de l'apport personnel ou d'améliorer la qualité du logement.

Exonération de taxe foncière

Les acquéreurs en BRS peuvent également bénéficier d'une exonération de taxe foncière, généralement pour une durée de 15 ans. Cette exonération, qui doit être votée par la collectivité locale, permet de réduire les charges liées à la propriété et d'améliorer le pouvoir d'achat des ménages.

Il est important de noter que cette exonération n'est pas automatique et peut varier selon les communes. Certaines collectivités choisissent d'accorder une exonération totale, d'autres une exonération partielle, tandis que d'autres encore peuvent ne pas l'accorder du tout.

Prêt à taux zéro (PTZ) cumulable

Le BRS est compatible avec le Prêt à Taux Zéro (PTZ), ce qui permet aux acquéreurs éligibles de bénéficier de conditions de financement encore plus avantageuses. Le PTZ, qui est un prêt sans intérêts accordé par l'État, peut couvrir jusqu'à 40% du coût d'acquisition dans les zones tendues.

La combinaison du BRS et du PTZ peut ainsi permettre à des ménages modestes d'accéder à la propriété dans des conditions particulièrement favorables, en réduisant à la fois le coût initial et les mensualités de remboursement.

Limites et contraintes du dispositif BRS

Plafonds de ressources et de prix de vente

Si les plafonds de ressources permettent de cibler les ménages modestes, ils peuvent aussi être perçus comme une contrainte. En effet, ces plafonds limitent l'accès au dispositif pour certains ménages dont les revenus dépassent légèrement les seuils fixés, mais qui peinent néanmoins à accéder à la propriété dans le marché libre.

De plus, les prix de vente des logements en BRS sont également plafonnés. Si cette mesure garantit le caractère abordable des logements, elle peut parfois limiter l'offre dans certaines zones très tendues où les coûts de construction sont élevés.

Restrictions sur la revente et la transmission

L'un des aspects les plus contraignants du BRS concerne les conditions de revente et de transmission du bien. En effet, le logement ne peut être revendu qu'à un ménage répondant aux mêmes critères d'éligibilité (notamment en termes de ressources) et à un prix encadré, déterminé selon une formule prévue dans le bail.

Cette restriction vise à maintenir le caractère social du logement sur le long terme, mais elle peut être perçue comme une limitation de la liberté du propriétaire. De plus, elle peut complexifier le processus de revente, notamment dans les zones où la demande est moins forte.

Redevance mensuelle à l'OFS

Bien que généralement modique, la redevance mensuelle versée à l'OFS pour l'occupation du terrain constitue une charge supplémentaire pour les ménages. Cette redevance, qui s'ajoute aux mensualités de remboursement du prêt et aux charges de copropriété, doit être prise en compte dans le calcul du budget logement.

Il est important de noter que le montant de la redevance peut être révisé périodiquement, généralement selon l'indice du coût de la construction. Cette révision, même si elle est encadrée, peut entraîner une augmentation des charges pour les occupants au fil du temps.

La redevance foncière, bien que modérée, représente une charge supplémentaire à long terme qu'il convient d'intégrer dans son budget logement.

Impact sur le marché immobilier local

Le bail réel solidaire a un impact significatif sur les dynamiques du marché immobilier local, particulièrement dans les zones tendues où son déploiement est le plus actif. En permettant l'accès à la propriété à des ménages qui en étaient auparavant exclus, le BRS contribue à diversifier le profil des propriétaires et à renforcer la mixité sociale dans certains quartiers.

Par ailleurs, le BRS peut avoir un effet modérateur sur les prix de l'immobilier. En introduisant une offre de logements abordables dans des zones où les prix sont élevés, il peut contribuer à stabiliser, voire à réduire légèrement les prix du marché libre environnant. Cet effet reste toutefois limité compte tenu du volume encore restreint de logements en BRS par rapport à l'ensemble du parc immobilier.

Le dispositif BRS peut également influencer les stratégies des promoteurs immobiliers. Certains choisissent d'intégrer une part de logements en BRS dans leurs programmes, ce qui leur permet de diversifier leur offre et de répondre aux exigences de mixité sociale souvent imposées par les collectivités locales.

Enfin, le BRS participe à la lutte contre la spéculation immobilière. En maintenant des prix encadrés sur le long terme, il contribue à créer un parc de logements durablement abordables, ce qui peut avoir un effet stabilisateur sur le marché local.

Comparaison avec d'autres dispositifs d'accession sociale

PSLA (prêt social Location-Accession)

Le Prêt Social Location-Accession (PSLA) est un autre dispositif d'accession sociale à la propriété qui mérite d'être comparé au BRS. Le PSLA fonctionne sur un principe de location-accession : le ménage occupe d'abord le logement en tant que locataire avant de devenir propriétaire au bout d'une période définie.

Voici un tableau comparatif des principales caractéristiques du BRS et du PSLA :

CaractéristiqueBRSPSLA
Propriété du foncierReste à l'OFSTransférée à l'accédant
Durée18 à 99 ans, rechargeablePhase locative de 1 à 5 ans, puis propriété complète
TVA réduite5,5%5,5%
Exonération de taxe foncièrePossible sur 15 ans15 ans
Plafonds de ressourcesIdentiques au PSLAIdentiques au BRS

Le principal avantage du PSLA réside dans l'acquisition complète du bien, terrain compris, à terme. Cependant, le BRS offre une plus grande flexibilité et une sécurisation à très long terme grâce à son mécanisme de rechargement du bail.

Accession sociale classique (PLUS, PLS)

L'accession sociale classique, à travers les dispositifs PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) et PLS (Prêt Locatif Social), diffère significativement du BRS. Ces dispositifs sont principalement destinés à la production de logements locatifs sociaux, mais peuvent également être utilisés pour l'accession sociale à la propriété.

Voici les principales différences entre le BRS et l'accession sociale classique :

  • Propriété : Dans l'accession sociale classique, l'acquéreur devient pleinement propriétaire du logement et du terrain, contrairement au BRS où le foncier reste propriété de l'OFS.
  • Durée : L'accession sociale classique n'a pas de limite de durée, tandis que le BRS est basé sur un bail long mais limité dans le temps (bien que rechargeable).
  • Prix : Les logements en accession sociale classique sont généralement plus chers que ceux en BRS, du fait de l'inclusion du foncier dans le prix d'achat.
  • Revente : Les conditions de revente sont généralement moins restrictives dans l'accession sociale classique que dans le BRS.

Le BRS se distingue donc par sa capacité à proposer des prix d'acquisition plus bas et une sécurisation à plus long terme du caractère social du logement. Cependant, l'accession sociale classique peut offrir une plus grande liberté à l'acquéreur en termes de propriété et de gestion du bien à long terme.

Le choix entre le BRS et d'autres formes d'accession sociale dépend des priorités de chaque ménage : prix d'achat réduit et sécurisation à long terme pour le BRS, ou pleine propriété et plus grande liberté pour l'accession classique.

En conclusion, le bail réel solidaire représente une innovation majeure dans le paysage de l'accession sociale à la propriété en France. En dissociant le foncier du bâti, il permet de réduire significativement le coût d'acquisition pour les ménages modestes, tout en garantissant la pérennité du caractère social des logements sur le long terme.

Cependant, comme tout dispositif, le BRS comporte ses propres avantages et limites. S'il offre une opportunité unique d'accéder à la propriété dans des zones tendues, il impose également des contraintes en termes de revente et de gestion du bien. Les ménages intéressés doivent donc soigneusement évaluer leur situation et leurs objectifs avant de s'engager dans un tel dispositif.

À mesure que le BRS se développe et gagne en maturité, il est probable que nous assistions à des ajustements et des évolutions du dispositif pour répondre au mieux aux besoins des accédants et aux enjeux du logement abordable en France. Son impact sur le marché immobilier et sur les politiques locales de l'habitat mérite d'être suivi de près dans les années à venir.

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